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Med Sci (Paris). 2009 October; 25(10): 809–813.
Published online 2009 October 15. doi: 10.1051/medsci/20092510809.

NR5A1 et insuffisance ovarienne primaire

Anu Bashamboo,1* Celia Ravel,1 Raja Brauner,2 and Ken McElreavey1*

1Human Developmental Genetics, Institut Pasteur, 25-28, rue du Docteur Roux, 75724 Paris Cedex 15, France
2Université Paris Descartes et AP-HP, Hôpital Bicêtre, 94270 Le Kremlin Bicêtre, France
Corresponding author.
Données cliniques et épidémiologiques

L’insuffisance ovarienne primaire (IOP) est une pathologie caractérisée par une absence ou un arrêt de la fonction ovarienne normale avant l’âge de 40 ans [ 1, 2]. Elle peut se manifester par une absence de développement pubertaire, une aménorrhée primaire ou secondaire ou par une ménopause précoce [2]. L’âge auquel la ménopause normale survient est très variable, allant de 40 jusqu’à plus de 60 ans. Plusieurs études ont montré que l’âge de survenue d’une ménopause précoce a une forte composante génétique (dans 85 % des cas) et que plusieurs gènes modulateurs sont impliqués [ 3, 4]. Chez des femmes qui présentent au moins une parente du premier degré atteinte de ménopause précoce et qui en sont elles-mêmes atteintes, les observations cliniques suggèrent que certains gènes, peut-être les mêmes gènes, sont également impliqués dans les infertilités précoces. De fait, les IOP se caractérisent à la fois par une transmission héréditaire familiale et par une composante ethnique suggérant le rôle de facteurs génétiques dans certains cas. L’incidence des IOP familiales idiopathiques est de l’ordre de 4 % à 31 % [ 57]. Cette variabilité reflète non seulement l’hétérogénéité génétique mais également le large spectre des pathologies que recouvre cette appellation, ainsi que l’absence de critères clairement établis pour en établir le diagnostic. La prévalence de l’IOP chez les femmes de moins de 40 ans est estimée à environ 0,1 % à 1,4 % et varie considérablement avec l’origine ethnique (1 % des Caucasiennes, 1,4 % des Afro-Américaines, 1,4 % des Hispaniques, 0,5 % des Chinoises et 0,1 % des Japonaises) évoquant des facteurs génétiques protecteurs ou de prédisposition [ 8].

Altérations génétiques associées à une ménopause précoce

Plusieurs altérations génétiques sont associées aux ménopauses précoces, parmi lesquelles la monosomie X et l’expansion de triplets CGG dans la région 5’ du gène FMR1 (fragile X mental retardation 1) de la zone normale à la zone « pré-mutée » [ 9]. Cette zone comprend 55 à 200 trinucléotides et son allongement est corrélé de façon proportionnelle à la survenue d’une insuffisance ovarienne. D’autres régions du chromosome X peuvent également être associées à une insuffisance ovarienne. Il s’agit des locus POF-1 (premature ovarian failure 1), POF-2 et POF-3, dont on sait qu’ils contiennent plusieurs candidats, sans qu’un gène précis n’ait été identifié [ 10, 11].

Les mutations dans des gènes entraînant une insuffisance ovarienne sont également souvent responsables d’autres anomalies somatiques. C’est le cas des mutations autosomiques récessives dans les gènes APECED, EIF2B et GALT [ 12, 13] (voir glossaire). Les IOP sont également associées au syndrome blépharophimosis-ptosis-épicanthus inversus1, (BPES) lié à des mutations dans le gène FOXL2 [12, 13]. Dans les formes non syndromiques de ménopause précoce, des mutations rares inactivatrices récessives des récepteurs de la FSH (follicle stimulating hormone) et de la LH (luteinising hormone) ont été décrites [12, 13]. Des mutations dans le facteur de transcription à homéoboîte spécifique du tissu ovarien (NOBOX) sont également une cause rare d’IOP [ 14]. Récemment, certaines études ont suggéré que des mutations dans BMP15, facteur ovocytaire dont le gène est situé sur le chromosome X, entraînaient des insuffisances ovariennes non syndromiques, mais ces données sont controversées [12, 13].

Mutations de NR5A1, anomalies du développement testiculaire et insuffisance ovarienne

Le récepteur nucléaire NR5A1 (aussi appelé facteur stéroïdogénique 1 - SF1 ou Ad4BP [adrenal 4 binding protein]) est un régulateur majeur de la transcription de gènes impliqués dans le contrôle de la stéroïdogenèse via l’axe hypothalamo-hypophysaire [ 15]. La protéine NR5A1 humaine comporte 461 acides aminés et présente une homologie de structure avec d’autres membres de la superfamille des récepteurs nucléaires. Elle comporte ainsi un domaine amino-terminal en « doigt de zinc » permettant une liaison à l’ADN, une région « charnière » et un domaine de liaison au ligand [15]. Les souriceaux déficients en NR5A1 ne développent ni gonades, ni surrénales et présentent une altération de l’expression des gonadotrophines hypophysaires ainsi que des anomalies structurales du noyau ventral de l’hypothalamus [ 16]. NR5A1 est exprimé dans le cortex surrénalien fœtal et adulte mais également dans le testicule par les cellules de Sertoli et de Leydig [15, 16]. En concordance avec ce profil d’expression, NR5A1 régule la transcription de gènes majeurs impliqués dans la différenciation sexuelle et la reproduction, incluant en particulier StAR, CYP17A1, CYP11A1 (P450scc), AMH, CYP19A1 (aromatase) et INHA1 [15, 17] (voir glossaire). NR5A1 est également exprimé dans plusieurs types cellulaires, dans l’ovaire fœtal, postnatal, pré-pubertaire et mature [15, 16, 18]. L’inactivation spécifique dans les cellules de la granulosa de Nr5a1 chez la souris entraîne une infertilité associée à une hypotrophie ovarienne [18]. Les ovaires Nr5a1−/− ont des follicules mais sans corps jaune, ce qui indique une ovulation perturbée [18]. Ces données permettent d’établir le rôle clé de Nr5a1 dans le développement et la fonction de l’ovaire chez la souris.

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Mutations de NR5A1 chez l’homme
Chez l’homme, 18 mutations du gène NR5A1 ont été rapportées [15]. Sur la base du phénotype des souris Nr5a1−/−, les premières recherches se sont focalisées sur les patients 46,XY présentant une insuffisance surrénalienne et une dysgénésie gonadique, et ont permis d’identifier trois mutations [ 1921]. Des analyses ultérieures ont révélé la présence de mutations hétérozygotes délétères dans 15 cas [15]. Tous ces patients présentaient des anomalies du développement testiculaire (DSD : disorder of sex development) de degrés variables, sans signe d’insuffisance surrénalienne avec un caryotype 46,XY. Ces données indiquent donc que les mutations dans le gène NR5A1 sont associées à des anomalies du développement testiculaire 46,XY avec une prévalence d’environ 15 %. La plupart des patients porteurs d’une mutation dans le gène NR5A1 présentent des signes d’hypoandrogénie plutôt que des signes de dysgénésie testiculaire suggérant que les mutations altèrent la voie de la synthèse d’androgènes plutôt que le déterminisme testiculaire.
Mutations de NR5A1 et insuffisance ovarienne
Si la plupart des mutations surviennent de novo, environ un tiers d’entre elles est hérité d’une mère phénotypiquement normale, suggérant que seuls les individus 46,XY porteurs de la mutation sont atteints [15]. Puisque les données chez la souris indiquent un rôle primordial de NR5A1 dans le développement ovarien, nous avons recherché si des mutations dans NR5A1 pouvaient contribuer à la survenue d’une insuffisance ovarienne.

Pour cela, nous avons analysé le gène NR5A1 dans quatre familles dans lesquelles certains individus 46,XY présentaient un DSD et d’autres, 46,XX, présentaient une insuffisance ovarienne (Figure 1) [ 22]. Les différents gènes intervenant dans le développement testiculaire tels SRY, DMRT1 et WT1 (voir glossaire) avaient au préalable été séquencés à la recherche de mutations chez les individus 46,XY atteints mais aucune mutation n’avait été décelée. En revanche, le séquençage de NR5A1 a révélé différentes mutations dans chacune des familles (Figure 2). Les familles 1 et 4 présentaient des mutations hétérozygotes de type « frameshift », c’est-à-dire des mutations qui génèrent la présence d’un codon de terminaison prématurée (premature termination codon = PTC) aboutissant à la synthèse d’une protéine tronquée. Les deux mutations, c666delC et c.390delG, entraînent un PTC au niveau du 295e acide aminé, reconnu par des complexes de surveillance et dégradé.

Dans la famille 3, les individus atteints, qu’ils soient XY ou XX, portent la même mutation hétérozygote c.3G>A que leur mère apparemment indemne [22]. Cette mutation abolit une séquence consensus Kozak pour l’initiation de la traduction, pouvant entraîner une abolition ou un défaut de traduction. L’absence de phénotype chez la mère porteuse de la même mutation que ses enfants atteints suggère une pénétrance incomplète. Celle-ci pourrait résulter d’un effet de dosage de l’allèle muté, conséquence d’un défaut de traduction de degré variable et/ou de l’existence de gènes modificateurs et/ou d’effets environnementaux.

Dans la famille 2, le mode de transmission du phénotype est récessif. Les individus atteints sont porteurs d’une mutation homozygote p.Asp293Asn dans le domaine de liaison au ligand de NR5A1 [22]. Les enfants non atteints qui ont pu être génotypés étaient soit hétérozygotes pour la mutation, soit porteurs de l’allèle sauvage. Le mode de transmission récessif peut être expliqué par une activité résiduelle de la protéine NR5A1 p.Asp293Asn. En effet, avec l’utilisation d’un gène rapporteur, nous avons démontré une différence d’activité de la protéine mutée comparée à celle de la protéine normale. Pour cela, nous avons utilisé les promoteurs des gènes CYP11a1 (cytochrome P-450) et CYP19a1 (aromatase). L’activité de la protéine NR5A1 p.Asp293Asn est réduite de 50 %, tandis que celle des autres protéines mutantes est nulle [22]. Un taux d’activité minimum de 50 % de NR5A1 semble donc nécessaire à l’expression du phénotype gonadique. L’analyse de ces familles a établi que des mutations dans NR5A1 pourraient contribuer à la survenue d’une insuffisance ovarienne. Nous avons étendu l’analyse à vingt cinq patientes présentant une IOP idiopathique [22]. Nous avons ainsi trouvé chez une patiente une délétion de trois acides aminés (p.231Leu_Leu233) dans le domaine de liaison au ligand (LBD) de NR5A1 [22]. Ces trois acides aminés sont fortement conservés dans les récepteurs nucléaires et présentent un chevauchement avec la première hélice (hélice 1) du LBD. Cette hélice contient un domaine de fonction d’activation (AFH1) qui est essentiel pour une fonction optimale du récepteur par son interaction avec des co-activateurs. La protéine NR5A1 mutée ne peut plus transactiver les promoteurs de CYP11a1 et CYP19a1, ce qui confirme le rôle fonctionnel important de cette hélice. Chez une deuxième patiente, porteuse d’une double mutation, les analyses fonctionnelles ont indiqué qu’un de ces changements, p.Pro129Leu, est très certainement pathologique puisqu’il altère sévèrement l’activité transcriptionnelle [22].

Que ce soit dans les cellules de la thèque ou de la granulosa, NR5A1 régule des gènes nécessaires à la stéroïdogenèse ovarienne, à la croissance et à la maturation folliculaires, notamment StAR, l’ocytocine, CYP11A1, CYP19A1, le récepteur de la LH et l’INHA1 [15]. Une dysrégulation de l’un de ces facteurs pourrait entraîner une insuffisance ovarienne et nous avons clairement montré une altération quantitative de transactivation de deux des facteurs (CYP11a1 et CYP19a1) cibles de NR5A1 s’il existe des formes mutées de NR5A1, détectées chez des patientes porteuses d’anomalies du développement et de la fonction des ovaires.

Conclusion

Ces études démontrent que les mutations dans le gène NR5A1 peuvent causer une insuffisance ovarienne chez la femme. Cependant, plusieurs questions importantes demeurent. Quelle est la prévalence des mutations de NR5A1 chez des patientes présentant diverses formes d’insuffisance ovarienne ? Quelles sont les corrélations entre génotype et phénotype ? Y a-t-il une perte progressive de la fonction ovarienne chez les individus porteurs de mutations de NR5A1 ? Pour répondre à ces questions, des études de cohortes plus importantes, incluant des études longitudinales, sont requises. À court terme, l’identification des patients présentant les mutations NR5A1 permet de préciser le rôle de ce facteur dans le développement de pathologies endocriniennes et d’offrir un outil diagnostique. À plus long terme, la connaissance et la compréhension des mécanismes d’activation relayés par la liaison de NR5A1 à son ligand in vivo, et le spectre d’action des agonistes et des antagonistes potentiels de NR5A1 récemment décrits pourraient permettre de moduler la fonction de ce récepteur dans certaines pathologies secondaires à des mutations du gène NR5A1.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Les anomalies oculaires incluent : blépharophimosis (réduction de l’ouverture des paupières dans toutes leurs dimensions), ptosis, télécanthus (augmentation de la distance entre les canthi internes), et épicanthus inversus (petit pli de peau partant du bord interne de la paupière inférieure et allant rejoindre la paupière supérieure en recouvrant partiellement le canthus interne) (source : orphanet).
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